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Le Journal de l'Education - Numéro 2 - Novembre 1995  
L'enseignement au quotidien

Apprendre à douter: lorsque les illusions visuelles nous ouvrent les yeux.

"La physique est science d'observation. Notre système éducatif n'apprend pas à observer suffisamment tôt. En physique comme ailleurs, l'essentiel est de ne pas se laisser enfermer dans notre certitude" déclarait en 1995 Pierre-Gilles DE GENNE, prix Nobel de physique en 1991, à un journaliste de Sciences et Vie.

Un appel auquel semble avoir parfaitement répondu le Scientastic Museum, un musée des sciences qui a ouvert ses portes à Bruxelles dans la station Métro-Bourse et qui a eu la remarquable idée de mettre au point une trentaine d'expériences scientifiques, parmi lesquelles de nombreuses illusions d'optique, pour nous démontrer la fragilité de certitudes aussi épaisses que le célèbre "Je ne crois que ce que je vois".

"Les illusions visuelles sont spectaculaires et constituent de ce fait un outil de prédilection pour interpeller nos élèves." L'illusion s'oppose à la vérité. Elle est une erreur qui se joue de nos sens et de notre esprit, une apparence trompeuse, une chimère produite par l'imagination et sans valeur objective.

Si tous nos sens enregistrent des illusions - odeurs substituées, sons et bruits mal interprétés, touchers erronés, faux goûters perçus... - les illusions visuelles sont certainement les plus spectaculaires et constituent de ce fait un outil de prédilection pour interpeller nos élèves.

En leur proposant des figures "ambiguës" qui suscitent deux interpré- tations perceptives différentes, le Scientastic Museum les sensibilise à leur propre subjectivité. En effet, permettre à l'enfant de prendre
conscience qu'il perçoit "une charmante jeune femme" là où d'autres voient "une vieille dame", l'aider ensuite à "capter" ces deux perceptions de manière alternée, c'est lui donner l'occasion de faire la plus belle des découvertes, celle de la relativité: il existe plusieurs façons de voir le monde, plusieurs lectures possibles de la réalité sans que l'une ne domine l'autre, au sens où il ne saurait y en avoir de " plus vraie"...

Plus déroutant encore que cette prise de conscience de la multiplicité des points de vue possibles, laquelle constitue déjà en soi une expérience très révélatrice, le Scientastic Museum nous conduit
à douter de nos propres perceptions.

Contrairement à une conception largement répandue, notre système visuel ne fonctionne pas comme la caméra photographique, laquelle restitue du spectacle une image qui en est le double fidèle.
Une multitude d'illusions d'optique sont là, toutes plus surprenantes les unes que les autres, preuve suprême que "voir c'est imaginer" et non simplement "reproduire".

L'intérêt de ces expériences pour insuffler à nos enfants un esprit d'ouverture et de tolérance semble s'imposer de lui-même: comment pourrait-on mieux sensibiliser les jeunes à la nécessité de se montrer
extrêmement prudents par rapport à toutes les vérités qu'ils tiennent pour absolues, les encourager à nuancer leurs propos et leurs jugements, à douter de leurs certitudes, si ce n'est en leur démontrant la fragilité denos perceptions?

Si ce message de tolérance est sans nul doute celui qui m'interpelle le plus, je m'en voudrais de passer sous silence une autre vocation de ce musée, qui est d'éveiller les jeunes à l'approche scientifique.

"Voir c'est imaginer et non simplement reproduire"


" Initiation" mais parfois aussi "réconciliation ", tant il est vrai que de nombreux jeunes manifestent un profond désintérêt pour tout ce qui a trait aux sciences - lorsqu'il ne s'agit pas d'un véritable dégoût!

Un désinvestissement qui trouve fort probablement l'une de ses origines dans le caractère souvent trop abstrait que revêt ce type de discipline au sein de notre enseignement scolaire.

Conscient de cet état de fait, le Scientastic Museum a mis au point une trentaine d'expériences scientifiques destinées à nous (re)donner à tous le goût des sciences.

Un pari audacieux qu'il semble remporter si l'on en juge par le succès que ces expériences rencontrent auprès de nos élèves. Cette réussite doit certainement beaucoup à l'originalité de la démarche pédagogique
proposée, à savoir une visite interactive et un parcours autonome. En effet, le Scientastic Museum a opté pour une pédagogie qui diffère fondamentalement de celle que l'on retrouve dans la plupart des
musées traditionnels: nos élèves ne sont plus les spectateurs passifs de présentations ou démonstrations spectaculaires qui se jouent devant leurs yeux mais davantage des acteurs à part entière
interagissant eux-mêmes avec les expériences.

Un choix pertinent puisque "l'inter-activité" permet d'obtenir l'attention maximale des élèves, de même qu'elle favorise l'intégration des notions scientifiques qu'ils seront parvenus à mettre en évidence.

Suite de la page 15: "Douter"

"L'expérience seule et le raisonnement qui sort de nos propres réflexions peuvent nous instruire" disait Alfred DE VIGNY.

Une remarque pleine de sagesse qui trouve une certaine confirmation dans les données mises en évidence par une étude de la "British audio- visual society", selon laquelle nous mémorisons 20% de ce que nous entendons, 30% de ce que nous voyons, 50% de ce que nous entendons et voyons et 90% de ce que nous faisons et disons!

Outre le caractère interactif des expériences proposées, l'originalité de l'approche pédagogique de ce musée réside dans l'autonomie du parcours: pas de longs panneaux explicatifs rébarbatifs que les élèves
ne lisent pas, pas de nécessité de tout comprendre, pas d'ordre chronologique obligé ni de visite guidée endormante, mais plutôt une découverte autonome. L'intérêt de cette liberté est inestimable du
point de vue de l'élève, puisqu'elle contribue à stimuler sa curiosité et favorise son émancipation en l'engageant à "découvrir par lui-même" sans l'assistance d'une personne.

Elle se trouve ainsi en parfaite concordance avec l'objectif du musée qui n'est pas tant de transmettre un savoir que d'encouragerà l'observation.

A cet égard, il importe de préciser que cette autonomie est loin de signifier abandon, dans la mesure où un "animateur volant" est mis à la disposition des élèves afin de les aider dans leur recherche, de
même qu'une séance d'animation est prévue dans le courant de la visite pour répondre à leurs questions.

Du côté de l'enseignant, cette formule présente un avantage incomparable qui est de le laisser entièrement libre de l'utilisation pédagogique qu'il souhaite faire du musée. Une liberté totale par rapport à la manière dont il entend aménager la visite: il peut ainsi adhérer pleinement à la philosophie du Scientastic en invitant les
é lèves à parcourir librement le lieu, ou, à l'inverse, opter pour une démarche "plus directive", en composant par exemple un itinéraire précis à respecter.

Si le choix de la démarche pédagogique est entièrement laisséà l'enseignant, ce dernier a par ailleurs tout le loisir de choisir, parmi la multiplicité des pistes pédagogiques qu'offre le musée, celles
qu'il souhaite exploiter.

Ainsi, selon le cadre du cours dans lequel s'inscrit la visite (par exemple un cours de morale ou de science), l'accent peut être mis sur le message de tolérance et de prudence par rapport à nos
certitudes que nous délivrent les illusions visuelles, ou davantage sur la dimension scientifique du musée.

De même qu'en fonction de l'âge des élèves l'enseignant peut chercher à pousser plus ou moins loin la compréhension des phénomènes observés.

" Il n'est pas toujours besoin de grands moyens, d'installations ultra sophistiquées... pour susciter plaisir, étonnement et découverte"


Quand bien même ma détermination à vous convaincre de visiter avec vos élèves ce petit palais de la découverte pourrait vous ôter une partie de "l'effet de surprise", je ne saurais terminer sans préciser
que la plupart des expériences réalisées par le Scientastic ont été conçues à partir d'un matériel d'une grande simplicité.

A l'heure où nous sommes envahis par les nouveaux médias que sont les CD-I, CD-ROM, ... cette particularité du Scientastic me semble ê tre une qualité supplémentaire de ce musée qui n'en finit décidément
pas de se distinguer de ses homologues en la matière. Sans vouloir dénigrer l'apport indéniable de ces nouvelles technologies, je ne peux m'empêcher d'y voir une merveilleuse occasion de rappeler à nos
é lèves à quel point "il n'est pas toujours besoin de grands moyens, d'installations ultra sophistIquées, pour susciter plaisir, étonnement et découverte".

Nathalie COSYN,
Professeur de morale dans le primaire.

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